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Programmation

Camping Aux bons plaisirs fugaces

Évènement à la fois festif et communautaire, le camping Aux bons plaisirs fugaces proposera diverses activités participatives sous le viaduc Rosemont: randonnées pédestres, repas collectifs, sérigraphie, projections, musique et création d’un ciel étoilé…


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Les propriétaires du camping Aux bons plaisirs fugaces inaugurent du 5 au 8 juin leur nouveau site au parc sans nom de l’arrondissement Le Plateau-Mont-Royal. Du camping urbain? Pas tout à fait. Les propriétaires alloueront à chaque projet un site de création; cela permettra à treize artistes d’explorer la tente et autres installations typiquement liées à l’activité du camping, pour en développer les possibilités comme plate-forme de diffusion artistique.

Évènement à la fois festif et communautaire, le camping Aux bons plaisirs fugaces proposera diverses activités participatives sous le viaduc Rosemont: randonnées pédestres, repas collectifs, sérigraphie, projections, musique et création d’un ciel étoilé… Le site sera ouvert aux visiteurs de 9h à 23h (horaire complet sur campingfugace.ironie.org). Les artistes travailleront sur place pendant quatre jours consécutifs pour faire évoluer dans le temps l’occupation et la transformation de leur site de création. Il s’agira d’une belle occasion pour le public de les rencontrer et d’échanger avec eux autour de quelques guimauves grillées!


Fête des campeurs (vernissage): vendredi 6 juin de 18h à 23h
Heures d’ouverture du camping: 9h à 23h

Artistes campeurs: Gina Badger et Nika Khanjani, Joëlle Couturier, Gabriel Dufresne et Émilie Plank, Yannick Guéguen et Edith Normandeau, Aidan Jeffery, Pascaline Knight, Rodolphe-Yves Lapointe, jenna maclellan, Julien Poirier et Nancy R. St-Laurent
Propriétaires du camping: Priscilla R. Kauffmann, Mathieu Lacroix, Catherine Lescarbeau et Marjolaine Samson


Artistes campeurs:

Gina Badger et Nika Khanjani - Survival Tacticts / Pratiques provisoires
Production d’une vidéo portant sur les stratégies de survie urbaine dans un état d’urgence, quand le camping devient obligatoire. Montage et projection sur le site.

Joëlle Couturier - Dites-moi que vous m’aimez, je miaule (séduisez-vous les uns les autres)
Installation d’une tente-roulotte dans le parc. Performances et mises en scène autour de la demeure mobile. Appel à la séduction avec porte-voix. Party de saucisses le dimanche de clôture.

Gabriel Dufresne et Émilie Plank - Tenter l’impossible ou tangram à domicile
Construction en soirée d’une tente avec comme point de départ les formes du tangram chinois. Jeu tangram avec les visiteurs et les campeurs durant la journée.

Yannick Guéguen et Edith Normandeau - Promenades d’écoute
Randonnées pédestres aux alentours du camping avec comme objectif la caractérisation des sons ambiants par des exercices d’écoute. Création d’une «partition» sonore suite aux parcours. Installation d’un camp scientifique. Départ des promenades à partir du camping et du métro Rosemont.

Aidan Jeffery - Eating Your Way Through the Urban Campsite
Promenades nutritives dans les environs du camping avec collecte d’aliments dans les rebuts. Élaboration de recettes. Souper en soirée.

Pascaline Knight - ¿Si no hay techo, que hay? (Si y a pas de toit, y a quoi?)
Installation d’une table à sérigraphie sur le site du camping. Impression de mots et dessins en direct sur les vêtements qu’apporteront les visiteurs.

Rodolphe-Yves Lapointe - Comptoir de noeuds et Je ne fais que passer
Installation d’un comptoir de noeuds sur le site du camping visant à faire découvrir l’utilité et la variété des noeuds existants. Série de jeu performatifs autour de l’idée Je ne fais que passer, témoignant du caractère éphémère de l’action du camping.

jenna maclellan - Tant qu’il y a des étoiles / As Long as There Are Stars
Atelier de fabrication d’étoiles sur le site. Installation d’un ciel étoilé pour les campeurs et les visiteurs.

Julien Poirier et Nancy R. St-Laurent - Underground
Série de performances construites sur quatre jours ayant comme projet la création d’un souterrain, son inondation et son éventuelle inauguration.


Un retour sur: Camping Aux bons plaisirs fugaces

Camping Aux bons plaisirs fugaces

Un retour sur :  l’évènement

Présenté du 5 au 8 juin 2008 au parc sans nom. Artistes campeurs: Gina Badger et Nika Khanjani, Joëlle Couturier, Gabriel Dufresne et Émilie Plank, Yannick Guéguen et Edith Normandeau, Aidan Jeffery, Pascaline Knight, Rodolphe-Yves Lapointe, jenna maclellan, Julien Poirier et Nancy R. St-Laurent.

Propriétaires du camping : Priscilla Kauffman, Mathieu Lacroix, Catherine Lescarbeau et Marjolaine Samson

À l’intersection des logiques contradictoires qui gouvernent et bouleversent nos sociétés actuelles, l’art s’immisce entre les lignes, explore les espaces interstitiels. Investissant le parc sans nom pendant 4 jours consécutifs, l’évènement Camping Aux bons plaisirs fugaces déroge aux règles qui limitent l’occupation des parcs et autres espaces publics dans la ville. Si l’image du camping imprégnée dans l’imaginaire collectif est celle d’un lieu de rencontres visant une escapade provisoire dans la nature pour faire oublier le quotidien de la ville, les organisateurs de l’évènement proposent de déjouer ce cliché en offrant l’alternative du camping en ville. Les 13 artistes invités ont ainsi habité et partagé l’environnement du parc sans nom, qu’ils ont investit à travers le thème du camping comme prétexte à la création et la diffusion artistique.

Avec pour prémisse le camping récréatif comme lieu populaire où se cotoîent des individus, toutes conditions sociales confondues, Julien Poirier et Nancy R. St-Laurent explorent avec humour et légèreté ces stéréotypes en interprétant tour à tour différents métiers participant à l’élaboration du projet Underground, de l’arpentage à l’inauguration du trou. Ainsi, l’escouade scientifique, vêtue d’une combinaison blanche et munie d’outils insolites, procède à la décontamination du terrain : «est-ce que vous sondez réellement le terrain?», «le lieu est-il contaminé pour vrai?» leur demandait-on. Puis, deux ouvriers de la firme Raymond Poirier (les noms de famille respectifs des artistes) effectuent les travaux d’excavation avant que les sauveteurs aquatiques innondent le trou et veillent à la sécurité des lieux. Enfin, un discours annonce l’inauguration officielle de cette piscine improvisée mise à la disposition des campeurs et qui, par ailleurs, a fait le bonheur des enfants! Jouant d’une autre manière sur les clichés de nos souvenirs d’enfance, Joëlle Couturier investit le lieu à rebours en créant une mise en scène surréaliste où se côtoient différents tableaux performatifs autour de la roulotte comme espace de rencontre. Avec Dites-moi que vous m’aimez, je miaule (séduisez-vous les uns les autres), elle procède à des actions ponctuelles, aussi loufoques que banales, où elle engage le dialogue dans un esprit de séduction de l’espace et du spectateur. Elle confectionne, par exemple, une clôture à l’aide de bâtons de popsicle autour de sa demeure mobile, joue au badminton en talons hauts ou encore, caresse un chat empaillé. L’artiste offre aussi au public des petites «boîtes à séduction» décorées de sérigraphies en échange d’un objet personnel: mais sous leur apparence séduisante, celles-ci contiennent en réalité des mégots, des restes de nourriture et autres déchets. À la soirée de clôture, «matante Joëlle» partage sa recette familiale de chair à saucisses, sous les yeux ébahis des visiteurs et des autres campeurs. Frôlant le spectacle, le kitsch et l’extravagance, elle incarne en quelque sorte le pendant des acteurs de Underground. En effet, les deux installations mêlent le ludique et l’absurde pour créer de véritables fictions qui détournent la définition du camping ancrée dans l’imaginaire populaire.

Lieu de repos et de ressourcement, le camping est aussi l’occasion de randonnées pédestres en forêt. Avec Promenade d’écoute de Yannick Guéguen et Edith Normandeau et Eating Your Way Through the Urban Campsite de Aidan Jeffery, les artistes proposent des promenades urbaines pour le moins inusitées. La première a pour objectif d’initier le public au paysage sonore à travers un trajet sensoriel d’expérimentation acoustique aux alentours du parc sans nom. Quelques détours permettent d’expérimenter différentes densités sonores: celle des oiseaux, de la ventilation d’une usine, de l’écho des voitures, du gravier sous nos pieds et des frottements de vêtements, par exemple. Force est de constater que le paysage visuel de la ville influence l’univers sonore qui nous entoure. De retour au campement d’Audiotopie (www.audiotopie.org), les participants sont invités à dessiner une partition à partir des sons entendus : étaient-ils rugueux, fluides, vaporeux? On réalise alors que les sons aussi ont une texture. La seconde promenade (de Aidan Jeffery) est un parcours pédestre préétabli en quête de nourriture dans les rebus des commerces du quartier Mile-End. Les campeurs urbains doivent ainsi s’approvisionner dans l’abondance « naturelle » qu’offre la ville, engageant une réflexion à la fois sur les stratégies de survie et les innombrables pertes associées aux modes de surconsommation qui régissent nos sociétés contemporaines. Comme les repas sont aussi prétextes aux rassemblements, les soupers sont préparés chaque jour collectivement avec les aliments «cueillis» dans le paysage urbain.

D’autres jeux et animations sont aussi au rendez-vous pour distraire les campeurs. Tenter l’impossible ou tangram à domicile de Gabriel Dufresne et Émilie Plank suggère la création d’un espace de camping modifiable inspiré du tangram : ce jeu d’origine chinoise consiste à créer différentes figures à l’aide de 7 pièces de formes géométriques. Pendant le jour, ils invitent le public et les autres campeurs à jouer à ce tangram géant fait de panneaux isolants en styromousse et, chaque soir, ils construisent une œuvre tridimentionnelle différente qui leur sert d’abri. Éphémère et modifiable, comme les paysages rencontrés par le campeur voyageant d’un lieu à l’autre. Avec son installation Comptoir de nœuds, Rodolphe-Yves Lapointe convoque les gens à confectionner différents types de nœuds avec des bouts de corde, symbolisant les relations qui se créent entre les campeurs; le nœud étant le «signe sensible du lien, autrement invisible, existant entre les membres de la communauté spontanément réunie autour de l’évènement», selon l’artiste lui-même. Sa performance Je ne fais que passer anime la soirée des campeurs en s’inspirant du rébus à action (Jeu – Nœuds – Fée – Queue – Pas – C)  : alliant gestes, représentation graphique et code morse, Rodolphe revêt son bonnet de poète « langagier engagé » en évoquant le caractère passager du camping comme celui, éphémère, de la vie. Le kiosque de sérigraphie ¿Si no hay techo, que hay? (S’il n’y a pas de toit, y a quoi?) de Pascaline Knight joue, lui aussi, avec les mots : les gens apportent leurs vêtements et accessoires pour y faire imprimer des mots, des textes et des images, fixant sur le tissu les mémoires de l’évènement.

Selon jenna maclellan, le camping ne peut se vivre dans son intégralité sans un ciel étoilé : avec son installation Tant qu’il y a des étoiles/As Long as There Are Stars, elle propose des ateliers de fabrication d’étoiles en carton pour faire briller le site à la nuit venue. Vêtue d’une longue robe blanche, jenna accroche une à une ses étoiles sur un fil au-dessus des tentes pour créer l’illusion d’un ciel étoilé. Cette action rituelle, aussi minimale que poétique, souligne à la fois l’ironie du camping urbain et les enjeux de la pollution nocturne des grandes villes par la lumière, implicitement liée aux problématiques du réchauffement climatique. Avec le projet vidéo Pratiques provisoires/Survival Tactics, Gina Badger et Nika Khanjani interrogent aussi la réalité urbaine de façon critique en s’inspirant des camps de réfugiés pour élaborer de possibles stratégies de survies urbaines. Elles ont ainsi exploré le paysage environnant en quête de refuges temporaires : des lieux aussi caduques que le sommet d’un escalier de secours ou d’un parc de jeu traduisent les contradictions de l’environnement urbain et l’obsolescence des structures architecturales montréalaises en cas de pratiques provisoires obligées en état d’urgence. Les artistes ont projeté les prémisses de leur projet in progress sur les murs du viaduc Rosemont.

Cette expérience illicite, certes, mais ludique du camping urbain, exploite l’idée du lieu public dans toute sa potentialité et s’inscrit tout à fait dans la continuité de la programmation Dis/location : projet d’articulation urbaine de DARE-DARE, qui interroge les possibilités d’occupation artistique du territoire dans la trame urbaine. Et si « l’art est un engagement global qui intègre l’environnement, le social, la culture et le politique*», comme le prétend René Derouin, les artistes de l’évènement Camping Aux bons plaisirs fugace, qui se soumettent aux contingences de l’environnement et investissent à rebours l’espace à travers l’expérience du camping urbain, ont sans équivoque accompli ce mandat.

- Chloë Charce, juillet 2008

*  René Derouin, « Avant-propos », Pour une culture du territoire, Montréal, L’Hexagone, 2001, p. 9 et 10.