Programmation
Caroline Dubois et Julie Favreau
Plan d'aménagement
Caroline Dubois et Julie Favreau construiront divers décors et situations suggérant l'ouverture prochaine d'un commerce ou d'un plateau de tournage. Plan d'aménagement prend place dans un espace commercial vacant de la rue Beaubien, dans la Petite-Patrie.
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Plan d'aménagement s'intéresse à l'ambiguïté et à la curiosité ressenties par les passants devant un espace en construction et en réaménagement, un lieu en devenir. Pour répondre à cette ambiguïté, Caroline Dubois et Julie Favreau construiront divers décors et situations suggérant l'ouverture prochaine d'un commerce ou d'un plateau de tournage. Plan d'aménagement prend place dans un espace commercial vacant de la rue Beaubien, dans la Petite-Patrie.
Les investigations et représentations réalisées dans cet espace sur une période d'un mois seront partagées en trois thématiques, soit « confort », « risque » et « saleté ». Les thématiques détermineront les pistes qu'emprunteront les constructions et les actions dans le lieu. Elles permettront de faire de ce local un lieu en perpétuelle redéfinition: chaque thème exploré entraînera une reconfiguration. Les artistes vont constamment réaménager et transformer cet espace commercial.
À partir de ces thématiques, Dubois et Favreau construiront trois décors différents et procéderont à l'invention d'univers distincts à partir des mêmes moyens: le même local, les mêmes interprètes et les mêmes matériaux. Le travail et les gestes de construction et de destruction de ces univers deviendront la matière de l'écriture chorégraphique menant à trois spectacles différents.
Les matériaux joncheront le sol du local avec vitrine sur rue. Le passant sera témoin des activités quotidiennes visibles de l'extérieur, ainsi qu'à toutes les étapes de la réalisation du projet, autant celles de la construction, de la recherche que du spectacle. Il sera invité à entrer dans l'espace ou à observer de l'extérieur. Les artistes donneront accès autant au processus qu'à la présentation.
Au 280, rue Beaubien est, Montréal
Performances :
Cycle confort - vendredi 9 novembre à 21h;
Cycle risque - vendredi 16 novembre à minuit;
Cycle saleté - samedi 24 novembre à 15h
Caroline Dubois est artiste visuelle et chorégraphe. Julie Favreau est artiste visuelle. Ensemble elles cherchent à brouiller les limites entre les formes d'art, mélangeant arts visuels, performance, tableau vivant, danse et théâtre. Elles s'intéressent à l'espace scénique, le considérant comme un espace d'expérimentation et de recherche. Confrontant le corps humain à des structures créées de toutes pièces, Dubois et Favreau élaborent des espaces scénographiques où le corps dépend totalement de l'objet.
Leur projet Boîte de démarrage a été présenté lors de l'exposition (ATTENDRE) à la Galerie d'art contemporain La Vitrine, à Paris.
Un retour sur: Plan d'aménagement
Performances et constructions
du 5 au 26 novembre
au 280, rue Beaubien est, Montréal
Trois spectacles: Cycle confort - vendredi 9 novembre à 21h; Cycle risque - vendredi 16 novembre à minuit; Cycle saleté - samedi 24 novembre à 15h. Avec la participation de: Belinda Campbell, Hannah Derozio, Jody Hegel, Mathieu Lacroix, Christian Leblanc, Mathieu Lefèvre, Laël Stellick.Le projet de Caroline Dubois et Julie Favreau s’étend sur près d’un mois dans un local commercial loué par DARE-DARE, sur la rue Beaubien. Les artistes y sont présentes quotidiennement afin de permettre au public de venir les rencontrer et d’échanger sur leur processus de création, ce que permet la grande vitrine donnant sur la rue. Toutes deux artistes en art visuel, l’une ayant en plus une formation en danse et l’autre en vidéo, elles ont travaillé ensemble depuis leur projet Boîte de démarrage, qui a été présenté en 2005 lors de l'exposition (ATTENDRE) à la Galerie d'art contemporain La Vitrine, à Paris, et qui est la prémisse de Plan d’aménagement.
Ici, la vitrine commerciale de la rue Beaubien, un lieu atypique d’intervention et de diffusion artistique, génère une signification particulière quant au désir de s’implanter dans une vie de quartier. Leur recherche quotidienne, en vue des manifestations hebdomadaires, lesquelles terminent des cycles thématiques, leur permet d'apercevoir des visages qui au fil des semaines deviennent familiers. Le dispositif, dont fait partie la vitrine, permet de voir l’intérieur du local sans avoir à y entrer. On peut ainsi identifier trois types d’expériences de l’œuvre. La première: s’attarder devant la vitrine sans pénétrer dans le local; la deuxième: entrer pendant la journée pour échanger avec les artistes; et la troisième: assister aux présentations qui clôturent les cycles de «confort», «risque» et «saleté».
À la fin de chacune des phases thématiques dont le lien se fait sans trop de mal avec le titre de l’exposition, les artistes convient le public à une présentation, une performance qui est l’aboutissement de leur travail de la semaine. Des amoncellements de matériaux de construction, de planches de bois, de toiles de plastique, de tissus, d’objets hétéroclites tels souliers, masques, boules disco donnent au lieu un aspect de chantier. Ce lieu est sans cesse en reconstruction et c’est ce que les artistes nous montrent lors de leurs présentations. Le faire est au centre de ce qu’elles nous proposent. Les gestes, répétitifs, sont d’une importance capitale et mènent à des instants que l’on comprend comme étant significatifs dans le processus créateur des artistes, comme un aboutissement temporaire. Elles manipulent leurs objets avec des gants, testent la solidité de leurs installations avec force, bruyamment.
L’expérimentation est au cœur de cette pratique qui se veut ouverte à de multiples disciplines artistiques. L’influence de la danse est remarquable et passe par une utilisation du corps comme matériau de l’œuvre, comme objet. Tout comme on assiste au montage des structures qui composent l’environnement dans lequel Favreau et Dubois évoluent, on prend part à un jeu qui s’établit entre elles, qui implique des actions d’emballage et de déballage de l’une et l’autre.
Si l’on décidait d’aborder Plan d’aménagement selon les sensorialités évoquées*, on verrait aussi que le son a un grand impact sur la réception de cette œuvre. En effet, les bruits des manipulations répétitives prennent beaucoup d’espace dans ce lieu où l’on se retient de parler. Notre attention étant tournée vers les gestes des artistes, la dimension sonore de la performance s’en trouve exacerbée. Nous voyons le son se faire, nous reconnaissons les objets d’où ils proviennent, nous percevons leur déplacement dans l’espace.
Le spectateur doit s’ajuster aux déambulations des performeuses, se déplacer. La présentation de Caroline Dubois et Julie Favreau tient de la mise en espace de la performance, les artistes et les observateurs sont au même niveau. Ne pouvant anticiper leurs mouvements à venir, le spectateur ne peut s’installer à un endroit qui offre un point de vue idéal. Il doit se mouvoir dans l’espace avec elles afin de voir leurs manœuvres et c’est, entre autres, de cette manière que le postural et le kinesthésique sont sollicités par cette performance.
Cette approche interdisciplinaire, qui allie mouvements du corps, sons, matériaux bruts et participation de plusieurs artistes du milieu montréalais, incite un questionnement et une redéfinition de son existence et de son statut. Elle mérite d’ailleurs qu’un grand nombre en soit témoin et participant. Plusieurs personnes pourraient bénéficier d’une telle alliance entre approche relationnelle et culture visuelle proposée. Il semble survenir un problème qui ne découle ni de la durée de l’exposition, ni de la situation géographique du local: le fait que les arts visuels soient méconnus du public en général et très peu, ou mal, médiatisés. En s’insérant dans le tissu urbain, DARE-DARE fait un grand pas vers un public qu’on souhaite plus informé et participant.
- Charlotte Panaccio-Letendre, janvier 2008
* Voir sur les sensorialités et la réception des arts visuels: Lupien, Jocelyne, «L’intelligibilité du monde par l’art», dans Espaces perçus, territoires imagés en art (ouvrage collectif), Paris, Éditions L’Harmattan, 2004, pp: 15-35.