Programmation
Chih-Chien Wang
Le nid
Dans le cadre du Mois de la photo à Montréal, Chih-Chien Wang propose une installation au parc sans nom où loge DARE-DARE.
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Le Nid cherche à générer deux types d'espace: un coeur métaphorique pour le pont et un espace physique propice à la solitude. Il constitue un canal où les gens et la ville entrent en contact par le biais d'une expérience d'ordre organique; un espace où les gens et la ville se retrouvent.
Le processus de création de cet espace s'apparente à ma méthode de travail en photographie. Je récupère des objets trouvés, puis les transforme en autre chose de façon à ce que le sens initial de l'objet soit perdu. Bien que l'objet ainsi créé soit abstrait, il conserve certains aspects de son apparence de départ.
Identiquement, la lumière et les vibrations amplifiées provenant du viaduc se trouvent transformées. L'installation incarne le souffle du pont et, ce faisant, embrouille les perceptions.
Au parc sans nom
Vernissage le jeudi 13 septembre de 18h à 23h
L’artiste remercie : Marie Fraser (Mois de la photo), Alexander Belia, Marjolaine Samson, Frédéric Chabot, Rodolphe-Yves Lapointe, Thierry Fontaine, Daniel Chahfé, Nadège Grebmeier Forget, Tyler Megarry, Marlène Ferrari et Mathieu Lacroix
L'artiste désire remercier le Conseil des arts du Canada pour son appui.
Originaire de Taïwan, Chih-Chien Wang vit à Montréal et travaille principalement avec la photo et la vidéo. Sa pratique témoigne de préoccupations relatives à l'environnement personnel et les expériences au quotidien, l'environnement urbain et les différences culturelles - et rappelle, dans son essence, la performance. Son travail a été présenté dans plusieurs pays. Il a récemment terminé une résidence au El Basilisco à Buenos Aires, Argentine.
Un retour sur : Le nid / The Nest
(installation)
Présentée du 13 septembre au 7 octobre 2007 au parc sans nom dans le cadre du Mois de la photo à Montréal. Le vernissage a eu lieu le jeudi 13 septembre de 18h à 23h.
Présenté dans le cadre du Mois de la photo, Le nid de Chih-Chien Wang peut sembler déroutant. Ici, la photographie en tant qu’objet tangible, instant présent capté et rendu immuable, n’est pas.
L’installation se compose d’éléments fragiles, sans aucune valeur pérenne : des murs constitués de boîtes de carton sont greffés aux piliers de la monumentale structure de béton du viaduc routier qui surplombe le « parc sans nom ». Cet assemblage de matériaux pauvres fait référence à l’abri de fortune. Des micros placés sous le viaduc amplifient les vibrations des voitures dans des haut-parleurs. Le résultat est étrangement aseptisé. La lumière blafarde des néons, l’espace d’écoute protégé, la peinture blanche, le faux gazon… l’ensemble nous transporte dans un univers esthétique en décalage avec l’expérience quotidienne de l’espace d’origine, poussiéreux, aux sonorités dérangeantes et monotones. Cette première version du Nid permet au temps de se suspendre, aux passants de porter un regard différent sur la banalité de ce viaduc routier. Dans cette installation orchestrée par le photographe1, nous sommes face au premier cliché: mise à distance du réel à travers l’œil professionnel de l’objectif fictif, mise au point sur le souffle vibratoire du lieu, composition rehaussée d’un savant jeu d’éclairage artificiel.
C’est alors que la force vive de l’espace urbain en friche reprend ses droits. L’installation se fera vandaliser à plusieurs reprises. Le simple abandon de la pièce, la répression ou la surveillance ne furent pas même envisagés. Chaque fois, l’artiste effectuera une mise à jour de son projet, remontant inlassablement des murs de boîtes, sans toutefois rester imperméable au lieu, réagissant avec souplesse à chaque intervention destructrice sur Le nid à présent en constante évolution. C’est là que la photographie au sens concret du terme entre en scène : documentant chaque étape de destruction, chaque proposition de reconstruction, documentant la confrontation de l’artiste qui pose et repose différents gestes - répétitions quasi quotidiennes – sur une installation qui s’adapte inlassablement à l’espace convoité. La perméabilité du projet est admirable. Plutôt que d’imposer une résistance face aux éléments imprévus, l’intervention de Chih-Chien Wang est de l’ordre de la persistance dans cet écosystème urbain. Le photographe qui porte intérêt au quotidien ne cherche pas à prendre le contrôle de l’instant présent. Il nous propose plutôt une série d’instantanés qui rendent plus légitimement justice au lieu investi, à la fois temporel et immuable.
Ce projet au sein de la programmation du second volet de Dis/location : projet d’articulation urbaine est une leçon d’humilité. On ne saurait simplement s’imposer dans l’espace en friche. Ce type d’espace a une vie qui tantôt est perceptible à ceux qui le pratiquent quotidiennement, tantôt nous prend par surprise par la découverte des traces du passage d’intervenants anonymes. En choisissant d’ouvrir le parc de part et d’autre afin de transformer cet espace clos en lieu de passage, DARE-DARE s’est fait provocateur de rencontres et d’échanges. En proposant une expérience poétique à la fois sonore et lumineuse de cet espace spécifique, Chih-Chien Wang en a tout d’abord retranscrit le souffle. Une inspiration et les boîtes sont disposées en plein jour. Une expiration et elles sont dispersées en pleine nuit2. L’épreuve du parc a transformé le souffle en respiration. Cette dernière implique une vie propre au lieu, une vie encore capable d’engloutir et de surpasser toute tentative de contrôle individualiste. Du dévoilement fastueux du projet en plein vernissage à son discret tomber de rideau – cartons sagement pliés et empilés sous le viaduc – le jour du démontage, l’artiste nous permet de faire l’expérience d’une installation complète. À l’origine prévue pour n’être en harmonie qu’avec son environnement physique, Le nid a ainsi pu rendre compte de son environnement humain (bénévoles diurnes et anonymes nocturnes). L’œuvre témoigne finalement de cet espace sans faire abstraction des sujets qui le pratiquent, élément essentiel parfois relégué au second plan dans les projets de développement urbain.
Merci au photographe d’avoir su tirer partie de ces interventions sur son installation, portant ce projet au-delà de la captation du réel ou de sa magnification. La beauté du Nid siège sans doute dans le passage progressif de l’intervention individuelle en lieu ouvert, à l’influence puissante de cet espace - telle une force tranquille - sur l’œuvre proposée.
- Clara Bonnes, juillet 2008
1 Bien que l’artiste utilise la photographie de façon récurrente, Chih-Chien Wang ne se considère pas comme photographe au sens limitatif du terme. C’est dans le contexte du Mois de la photo que je prends la liberté de le définir comme tel.
2 La pièce a été détruite à deux reprises de nuit, et une fois en plein jour.