MARTINA CHUMOVA
J’écris toujours très lisiblement dans les formulaires
29 septembre 2022 - 21 décembre 2022Presque tout le monde a déjà été frappé par l’arbitraire des catégories sur lesquelles s’échafaudent les formulaires officiels, mais les expériences d’immigration y sensibilisent sans doute particulièrement. Lorsque la procédure ne nous concerne pas, il est possible de la considérer à distance, d’en rire comme de rituels alambiqués s’approchant de la pantomime. Plus ardu de l’appréhender avec légèreté lorsque d’une « bonne réponse » dépendent des pans de vies entiers. J’écris toujours très lisiblement dans les formulaires s’intéresse à cette langue formulaïque qui classifie et enjoint, décidant qui est en règle et qui ne l’est pas. Sont interrogées les collisions qui surviennent quand la bureaucratie trébuche sur les expériences réelles, organiques – irréductiblement denses et ambiguës. Juxtapositions, décalages et intrusions font écho à la dissonance qui émerge de ces heurts.
Démarche
Je trouve les détails plus intéressants que les fresques monumentales ; me fascinent les contradictions, flottements et décalages. Mon écriture a pour objet le réel, cherche à brouiller les certitudes en examinant la texture fine du quotidien. Je reviens souvent à la mémoire : aux archives intimes, à la fragilité et à la contingence des constructions humaines. Certains de mes projets intègrent des photos et autres artefacts visuels. J’écris aussi des nouvelles auxquelles on peut adjoindre l’appellation « fantastique ». Le travail sur ces textes se présente comme une recherche de la forme répondant le mieux à l’idée (image, voix, paysage) qui en forme le noyau. Le recueil sur lequel je travaille en ce moment se tisse autour de récits où l’énonciation même est un enjeu, dans lesquels la narration ne va pas de soi – qu’elle soit labile ou empêchée.
Née à Prague en 1984, Martina Chumova a grandi surtout au Québec. Elle étudie en anthropologie, en études allemandes et en histoire avant de travailler dans le milieu de l’édition. Ses textes ont été publiés dans des revues comme Le Sabord et Mœbius ainsi que dans des collectifs, dont Ce qu’un jeune mari devrait savoir (Marchand de feuilles, 2021). Son premier livre, Boîtes d’allumettes, paru en 2020 au Cheval d’août, a figuré dans la sélection du prix des Rendez-vous du premier roman.
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