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Programmation

Maxence Croteau

Sortie de micro-résidence à La HALTE: pollens partagés

En juillet, Maxence Croteau était en micro-résidence à La HALTE afin de puiser de l'inspiration dans la collections de livres sur l'art de DARE-DARE.


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Les 12 et 13 juillet 2025, l'artiste Maxence Croteau était en micro-résidence à La HALTE afin de s'inspirer de la collection de livres sur l'art du centre de documentation de DARE-DARE.

Le 13 septembre dès 11h, rendez-vous à La HALTE (parc Sainte-Cunégonde) pour une lecture de fin de résidence suivie d'une discussion ouverte.


Pollens partagés 

L'artiste propose une lecture prenant la forme d'un partage de fragments, de morceaux, de bouts de ''pollens'' glânés dans les livres de la collection de la HALTE. Il s'agit simplement d'un bout de temps pour dire à voix haute ces pollens qu'un partage peut muer en miel.

Contre l’ubiquité déterritorialisée du numérique post-internet, opposer le lieu singulier de la Halte qui est ici maintenant; contre l’accessibilité exacerbée à la fois tétanisante et isolante des relations appauvries parce que sans friction, sans texture, sans altérité, opposer la mise en relation incertaine, locale, erratique, sentie et sensible avec les passant·es, les vivant·es qui habitent la Halte, contre l’infini des fichiers PDFs par millions, opposer la poignée de livres écornés et chuchoteurs dans la Halte.


On est dans une bibliothèque en plein-air, dans un jardin, dans un parc.
Essayer le dérisoire que je pouvais.
Il y a trop de culture inobservée pour en rajouter.
Lire les livres à la place.
Comment c’est continuer.
Topologie linguale.
Taxonomier le pas parlable.
Le sens d’une observance.


Maxence Croteau


- Je ne cumule plus les destinations insolites / ni ne remplis d’adresses un carnet de plus en plus bref / Je ne mens plus par habitude / mentir m’épuise / et ce qui mérite le mensonge / ne m’est plus clair / Je ne vais nulle part / nulle part plus loin / que ce seuil en moi (Mireille Cliche 1955- Le règne des incendiaires – 2024 – p. 58)

- Le vrai travail — peut-être — est de se simplifier. De dire le moins possible mais d’écouter beaucoup. Ne rien emporter le matin, ne pas s’alourdir. Être graine pour revenir feuillage le soir. Retrouver la maison avec les mots ensoleillés du dehors. Les oiseaux autour de nous ne laissent pas de traces. (Thierry Metz 1956-1997 – Journal d’un manœuvre – 1990 [folio] p. 23)

- L’irréalité que nous vivons n’est pas celle d’une catastrophe qui sidère, mais celle d’un scénario que l’on déroule. (Anonyme. 2020. Manifeste conspirationniste [Seuil])

- Nous sommes trop inattentifs, ou trop occupés de nous-mêmes, pour nous approfondir les uns les autres : quiconque a vu des masques, dans un bal, danser amicalement ensemble, et se tenir par la main sans se connaître, pour se quitter le moment d’après, et ne plus se voir ni se regretter, peut se faire une idée du monde. (Luc de Clapiers « Marquis de Vauvenargues » 1715-1747)

- L’imaginaire ne fait que blesser le temps alors que le rêve l’ignore. (Pascal Quignard 1948- Rhétorique spéculative [Calmann-Lévy] 1995 – p. 190)

- Tout serait possible, tout si tu étais capable d’aimer. Je dis bien : capable d’aimer comme on dirait capable de marcher. Le fait que tu ne parles jamais, ce qui m’a tellement frappée, vient de ça aussi, de ce manque à dire, d’avoir à dire. Peut-être est-ce un retard seulement, je l’espère. Tu n’es même pas méchant. Je suis beaucoup plus méchante que toi. Mais j’ai en moi, dans le même temps, l’amour, cette disposition particulière irremplaçable de l’amour. Tu ne l’as pas. Tu es déserté de ça. (Marguerite Duras in Claire Marin 1974- Rupture(s) – 2019 – p. 37)


- […] et comment distinguer ses amis / de ses amis. (Yves Boisvert 1950-2012 – La balance du vent – 1992)


- C’est bien joli tout ça, mais lire et faire de la documentation, c’est de la débauche et de la luxure. (Gustave Flaubert 1821-1880 in Pierre Michon 1945- Le roi vient quand il veut [Albin Michel] 2007 - p. 216)

- Je suis sûre, se disait Marie, sûre. Mais de quoi peut-on être sûre? Sûre de quoi? Sûre de rien. Rien n’est sûr. C’est fou d’être sûre. Toute certitude est folle. Oui, mais voilà, je suis sûre. Un sentiment. Le sentiment... que c’est quelqu’un... avec qui, par qui... la vie, ma vie, pourrait être au maximum, ha ha ha, se disait Marie mais elle ne riait pas. Marie, qui marchait le long du quai Henri IV, s’arrêta et se pencha vers le fleuve, elle suivit des yeux un chien qui semblait sans maître et qui regardait l’eau et un groupe d’adolescents qui jouaient avec un ballon. La vie au maximum, répéta Marie, qui tout d’un coup se sentait une envie dévorante de lire et de voyager. (Leslie Kaplan 1943- Les Amants de Marie – 2002 [P.O.L.] p. 178)

- La philosophie n’est qu’une rouille (robignoso) sur le glaive (gladio). (Pascal Quignard 1948- Rhétorique spéculative [Calmann-Lévy] 1995 – p. 15) (Marcus Cornelius Fronto « Fronton » 100-166/167)

« Non, ce qui est sérieux, ce qu’est peindre, c’est travailler comme sur la mer un galérien rame dans la fureur et l’impuissance... » Après vous demandez au galérien de signer la mer comme si elle était sortie de sa rame, d’être heureux, mais sans rien créer, en ne faisant que brasser… Oui, la peinture ou la littérature sont cette interminable, cette épuisante relance du monde, qui sans cesse retombe. C’est la galère ? C’est la galère. Mais la mer est belle. (Pierre Michon 1945- Le roi vient quand il veut [Albin Michel] 2007 - p. 63)

- Alors l’enfant, avec un grand sérieux et sur un ton d’évidence fâchée : — Ceux-là ne font rien: ils travaillent. (Pierre Michon 1945- Les Onze – 2009 – p. 67)

- Puis, vient cette idée de la poésie préfabriquée dans la pensée de Klemperer: Il n’est pas si difficile, dans une langue éminemment cultivée, de se donner l’air d’un poète et d’un penseur. La narratrice ajoute: Je ne comprenais pas. J’ai lu et j’ai relu. (Gabrielle Giasson-Dulude 1984- Entre les murs, des voix - p. 115-116)

- La notion de ’’sens’’ est difficile à cerner. Les mots, en tant que tels, ne sont pas porteurs de sens. C’est la relation des mots entre eux qui fournit à la poésie un sens. Et comme cette relation est infinie, le sens l’est aussi. (Mahmoud Darwich [محمود درويش]E 1941-2008 Entretiens sur la poésie [Actes sud] 2006 1941-2008 - p. 27)

- Bref, de nos ontologies: « comment peut-on envisager enclencher un processus de subjectivation [de retour au ressenti] quand la précarité corrompt la solidarité et quand le corps social est câblé par des automatismes techno-linguistiques qui réduisent son activité à la répétition de modèles comportementaux intériorisés ? » Cette incapacité à ressentir est évidemment un service rendu aux dominants qui n’ont de cesse d’activer ce levier : « l’impulsion rageuse de piétiner toute sensibilité semble former le moteur secret de l’accélération technologique en cours ». Le terme révolution, passé à la moulinette de la déformation historique organisée par le spectacle numérique, est-il encore autre chose qu’un mot ? (Romain Couillet 1983- Démanteler le numérique et mettre fin à la guerre généralisée au vivant – [2025] p. 141-142)

- La pensée dominante actuelle n’admet pas que la maladie mentale puisse avoir des causes sociales. La réduction de la maladie mentale à des processus chimiques et biologiques est bien entendu tout à fait à la mesure de sa dépolitisation. Considérer la maladie mentale comme un problème biochimique individuel est source d’avantages énormes pour le capitalisme. Tout d’abord, cela renforce la tendance à l’individualisation atomistique (vous êtes malade à cause de la chimie de votre cerveau). Deuxièmement, cela ouvre un marché fabuleusement lucratif sur lequel les multinationales pharmaceutiques peuvent vendre leurs produits (nous pouvons vous soigner avec nos antidépresseurs, nos inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine). Il va sans dire que tous les troubles mentaux sont instanciés neurologiquement, mais cela ne dit rien de leur cause. S’il est par exemple vrai que la dépression se manifeste par de faibles niveaux de sérotonine, reste encore à expliquer pourquoi certains individus manifestent de tels niveaux. Cela exige une explication sociale et politique: la repolitisation de la maladie mentale doit être une priorité pour la gauche radicale si elle prétend remettre en cause le réalisme capitaliste. (Mark Fisher 1968-2017 – Le réalisme capitaliste [2009; 2018] p. 46-47)

- C’est en jouant que je pense, que je me sens vivante, c’est tout. Jouer, c’est ma façon d’aborder le monde. Je n’y ai jamais réfléchi, je le pense maintenant. De trancher dans le mouvement infini des choses. Parfois c’est difficile à faire. Mais si on ne le fait pas, on est avalée. Ça peut être si agréable d’être seulement portée, de ne rien faire qu’être là et sentir tout. Mais alors on disparaît. (Leslie Kaplan 1943- Le Psychanalyste – 1999 [P.O.L.] p. 116)

- J’ai renoncé avant de naître, ce n’est pas possible autrement, il fallait cependant que ça naisse, ce fut lui, j’étais dedans, c’est comme ça que je vois la chose, c’est lui qui a crié, c’est lui qui a vu le jour, moi je n’ai pas crié, je n’ai pas vu le jour, il est impossible que j’aie une voix, il est impossible que j’aie des pensées, et je parle et pense, je fais l’im-possible, ce n’est pas possible autrement, c’est lui qui a vécu, moi je n’ai pas vécu, il a mal vécu, à cause de moi, il va se tuer, à cause de moi, je vais raconter ça, je vais raconter sa mort, la fin de sa vie et sa mort, au fur et à mesure, au présent, sa mort seule ne serait pas assez, elle ne me suffirait pas, s’il râle c’est lui qui râlera, moi je ne râlerai pas, c’est lui qui mourra, moi je ne mourrai pas. (Samuel Beckett 1906-1989 – Pour finir encore et autres foirades [Minuit] 1976 – p. 39)

- La sensibilité est le fait le plus important de tous - il les englobe tous, est omniprésent et omni-constituant. Ce qu’on appelle connaissance n’est qu’une complication de ce fait. (Paul Valéry 1871-1945 – Cahiers I [Pléiade] Sensibilité – p. 1197)

- À tout instant, tout a été perdu, à jamais. L’œuvre est perdue à jamais par l’esprit qui en est vide, dès qu’il en est vide. Éteinte (extrafacta, extérieure), l’image; perdue, l’œuvre; fini, le temps ; Dieu n’a plus besoin d’eux. (Eckhart von Hochheim (Maître Eckhart) 1260-1328 in Pascal Quignard 1948- Rhétorique spéculative [Calmann-Lévy] 1995 – p. 212)


Maxence Croteau

Né à Tingwick, Maxence Croteau est un artiste qui vit et travaille à Montréal (Tio'tia:ke). Son travail se concentre essentiellement sur le dessin, l’écriture, la littérature et la rephotographie.