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Programmation

Sophie Fougy et Simon Girault-Têtevide

Kif-kif bourricot

Le projet « Kif-kif bourricot » prend la forme d’une bête polyforme, en métamorphose constante, vacant à ses occupations quotidiennes auxquelles le public est convié.


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Le duo Fougy—Girault-Têtevide propose à Montréal une série d’actions et performances dans le parc sans nom, mais aussi dans les arrondissements avoisinants. Leur projet kif-kif bourricot prendra la forme d’une bête polyforme, en métamorphose constante, vacant à ses occupations quotidiennes auxquelles le public sera convié. Ces sorties deviendront la matière pour la réalisation de séries photographiques et vidéographiques produites en plusieurs paysages urbains et espaces publics et privés de Montréal.

Il s’agit ici à la base d’un travail d’action pour lequel nous nous sommes confectionné un costume pour deux corps. Ce costume est conçu comme un potentiel de multiples apparitions passant de l’animal informe à la forme animale. Ce personnage relève à la fois du conte de tradition orale, de différentes cultures populaires et du cinéma d’épouvante. La confrontation de ce costume avec la réalité des espaces urbains et avec les habitants des quartiers nous permettra de détourner le quotidien de son cours habituel. Nous comptons aborder différents gestes élémentaires (manger, s’asseoir, courir, dormir, danser...) dans une volonté poétique d’exploration et de redécouverte du quotidien, oscillant entre légèreté, idiotie et grotesque.

27 octobre au 12 novembre 2006 dans le parc sans nom et dans la ville de Montréal
Vernissage et session de travail le vendredi 27 octobre 19h à 23h
Rencontre le dimanche 12 novembre 14h à 17h


Rendez-vous avec la bête:


Dimanche 12 novembre de 14h à 17h
Rencontre avec les artistes au parc sans nom

Samedi 11 novembre à midi

Pique-nique au Parc Lafontaine, au sud de l'étang (annulé si pluie)

Vendredi 10 novembre à 14h

Départ du parc sans nom en direction de l'école Lambert-Closse

Mardi 7 novembre 20h30

Devant l'épicerie Latina

Samedi 4 novembre 14h

Au parc sans nom

Jeudi 2 novembre 14h

À l'édifice Belgo, 372 Ste-Catherine Ouest

Mardi 31 octobre 17h

Départ du parc sans nom (Hallowe'en)

Lundi 30 octobre
17h45
Café Esperanza
(coin St-Viateur et Saint-Laurent)


Sophie Fougy et Simon Girault-Têtevide (Bordeaux, France) collaborent depuis 2000 et maintiennent parallèlement une pratique individuelle. Ensemble, ils ont réalisé en 2005 une résidence chez Nadine à Bruxelles pendant laquelle ils ont réalisé un long métrage vidéo retraçant les aventures de deux renards (un costume réaliste en vraie peau de renard; l’autre, la caricature du premier, en fourrure synthétique). Ils ont présenté avec Cédric Couturier un jardin mobile et modulable en différents lieux de Turin lors de la Biennale en 2002. Sophie Fougy présente un travail en performance, en vidéo et en dessin, et collabore régulièrement avec les Éditions Parasite (atelier de sérigraphie) à Bordeaux. Simon Girault-Têtevide développe un travail d’actions dans des lieux non-dédiés à la diffusion de l’art: lac en Pyrénées, forêt en Dordogne et autres, qui se traduisent en format vidéo et photo. Ils ont tous les deux fait résidence à la Citta del Arte de la fondation Pistoletto en 1999 et dans le domaine naturel de La Palissade en Camargue en 2006 (résidence Citron jaune).


Rapport d'activité

Les actions ont eu lieu du 21 octobre au 12 novembre 2006 au parc sans nom et dans les quartiers avoisinants, avec vernissage le 27 octobre et rencontre le 12 novembre

Les artistes Sophie Fougy et Simon Girault-Têtevide ont réalisé un fantasme d’enfant: revêtir à deux un costume unique de quadrupède, l’un animant l’avant du corps et l’autre, l’arrière. Ainsi déguisés, ils ont déambulé dans les alentours du parc sans nom pendant près de trois semaines en octobre et novembre derniers. Leur projet kif-kif bourricot a été ponctué par une performance sous le viaduc Rosemont/Van Horne lors du vernissage.

Une fois déployé, le costume faisait près de deux mètres de longueur. De la fausse fourrure brune et des dents d'âne disposées autours de la bouche rendaient la bête plus réelle. Quand les artistes se glissaient sous cette peau, celle-ci s’animait, prenait des formes bizarres, ressemblant tantôt à un âne, un gros chien, un ours ou un dromadaire difforme, tantôt à un arachnide géant, un monstre ou un extra-terrestre improbable. Autant de noms ont été attribués à la créature par les passants, les résidants du quartier et les habitués de DARE-DARE.

Ce fantasme ludique n’était pas de tout repos. Les corps des artistes étaient soumis à des postures difficiles qui exigeaient patience et endurance. Malgré la fraîcheur de l’automne, il faisait une chaleur intense sous la fourrure. L'aspect le plus difficile était certainement de vivre l’un avec l’autre, l'un derrière l’autre, de communiquer et de se mettre d’accord sur le déroulement des actions. Les mouvements de la bête révélaient ce dialogue – l’accord calculé engendrait une démarche cohérente, orientée et régulière; le désaccord résultait en un pas hésitant, révélation d'une lutte interne. 

Les artistes ont formulé des actions intégrées au quotidien, comme passer l’Halloween avec les enfants, prendre le café au bistro, faire les emplettes à l'épicerie du quartier, dormir dans le parc, traîner la patte dans des secteurs abandonnés du voisinage, longer la voie ferrée, inspecter les ordures qui bordent les ruelles... À l'occasion, ils attendaient nonchalamment la venue d’un passant pour le surprendre dans son trajet. Avec la complicité de la direction d’une école primaire du quartier, ils se sont infiltrés dans la cour durant la période de récréation. Les plus jeunes écoliers ont pleuré de frayeur et les plus vieux, amusés, taquinaient la bête en lui donnant des coups de pieds. Bien qu'elle n'ait duré que 15 minutes, l’intervention a certainement marqué leur imaginaire. 

Sophie et Simon s’intéressaient davantage à la mise en scène qu’à l’infiltration incognito. Les sorties ne se limitaient pas à des occasions d'aller à la rencontre du public; elles étaient construites, scénarisées pour la photographie et la vidéo. Durant leur projet, les appareils n'ont pas servi qu’à la documentation. Ils devenaient le médium d'une exposition future, pour prolonger le projet et rejoindre un autre public, principalement celui du milieu des arts. Les images sont apparues presque quotidiennement sur le site Internet de DARE-DARE. 

Les artistes ont aussi tenté une sortie côté galerie, histoire de voir la réaction des collègues du Belgo. Entre les galeries privées et les centres d’artistes, les réactions étaient soit fortes: «Sortez de la galerie, plaisantins!» ou mollasses: «Encore des artistes...». Une galeriste a photographié l’animal qui s’était faufilé derrière son bureau, dévorant tout ce qui lui tombait sous la patte. Une odeur d'humus et d'humidité a persisté dans l'air après son départ...

Pour leur performance du 27 octobre, les deux artistes ont créé une niche, une tanière sombre et mystérieuse, sous le viaduc. Leur nid était constitué d'amas de feuilles mortes, d'objets hétéroclites comme un téléviseur, des pneus et des arbres retournés, les branches pointant vers le bas. Durant la soirée, les visiteurs, chandelle à la main, sont allés à la rencontre de la bête dans sa tanière. Le sol s'est alors éveillé: une forme velue s'en est détachée, prenant des postures variées et s'approchant des gens. Puis, le monstre s’est soudainement étendu par terre. Son corps s'est tranquillement sectionné en son centre avant de se relever en deux morceaux distincts. Sophie Fougy et Simon Girault-Têtevide portaient chacun une moitié du costume; ils se sont défaits l’un de l’autre à l’insu des visiteurs. Cette séparation annonçait, d'une certaine manière, la fin d’une journée de travail, le repos du bourricot.

- Jean-Pierre Caissie et Marie-Suzanne Désilets, mai 2007